LA GRANDE MARÉE
(Bernard Lavilliers)
Bernard Lavilliers (France)
Un colosse aux pieds d'argile surveille la frontière
Des gosses aux mains fragiles jouent avec la poussière
Des veuves aux longs doigts fébriles distillent le thé
Un vieillard au regard tranquille sort de la fumée
C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée
Un roi perclus de solitude sur son trône dérisoire
Un café, une pendule, un bout de trottoir
Un réveil sinistre et drôle sur l'épaule d'un ouvrier
Qui s'en va au bout du môle, vers l'éternité
C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée
Les enfants qui jouent à l'ombre des matraques
Le temps qu'il fait, six mois de prison à Maniac
Une étoile est tombée dans ma guitare
Si j'étais croyant, ce serait un don du ciel
C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée
Les rues n'ont plus de recoins, plus d'angles morts
Ça facilite les rapports de force
Il n'y a plus d'amoureux, plus de bancs publics
Nous sommes éternellement bronzés
Notre vocabulaire est réduit à 50 mots
Nous branchons nos sexes dans le secteur
Et nos spermatozoïdes sont calibrés et placés dans des banques
Ils servent de monnaie d'échange aux eunuques qui nous gouvernent
Notre société d'abondance fait merveille, il n'y a plus qu'un classe
Quoiqu'en y réfléchissant bien il y en a une autre
Mais il est déconseillé de réfléchir
Nous ne faisons plus jamais l'amour, sauf de temps en temps
Avec les gardiens qui nous surveillent
Le mien est frigide
C'est la grande marée, la grande marée, la grande marée
La grande marée, la grande marée, la grande marée