LA PAIMPOLAISE
(Théodore Botrel / E. Feautrier, 1898)
Félix Mayol (France)
Quittant ses genêts et sa lande,
Quand le Breton se fait marin,
En allant aux pêches d'Islande
Voici quel est le doux refrain
Que le pauvre gars
Fredonne tout bas :
"J'aime Paimpol et sa falaise,
Son église et son Grand Pardon,
J'aime surtout la Paimpolaise
Qui m'attend au pays breton."
Quand leurs bateaux quittent nos rives,
Le curé leur dit : "Mes bons fieux,
Priez souvent Monsieur Saint Yves
Qui nous voit, des cieux toujours bleus."
Et le pauvre gars
Fredonne tout bas :
" Le ciel est moins bleu, n'en déplaise
A Saint Yvon, notre Patron,
Que les yeux de ma Paimpolaise...
Qui m'attend au pays breton ! "
Le brave Islandais, sans murmure,
Jette la ligne et le harpon ;
Puis, dans un relent de saumure,
Il s'affale dans l'entrepont...
Et le pauvre gars
Soupire tout bas :
" Je serais bien mieux à mon aise,
Devant un joli feu d'ajonc,
A côté de la Paimpolaise
Qui m'attend au pays breton ! "
Mais, souvent, l'océan qu'il dompte
Se réveillant lâche et cruel,
Le jour venu, quand on se compte,
Bien des noms manquent à l'appel...
Et le pauvre gars
Fredonne tout bas :
" Pour aider la marine anglaise
Comme il faut plus d'un moussaillon,
J'en f'rons deux à ma Paimpolaise,
En rentrant au pays breton ! "
Puis, quand la vague le désigne,
L'appelant de sa grosse voix,
Le brave Islandais se résigne
En faisant un signe de croix...
Et le pauvre gars
Quand vient le trépas,
Serrant la médaille qu'il baise,
Glisse dans l'océan sans fond
En songeant à la Paimpolaise
Qui l'attend au pays breton ! ...