L'ARC-EN-CIEL D'UN QUART D'HEURE
Georges Brassens (France)
Cet arc-en-ciel qui nous étonne,
Quand il se lève après la pluie,
S'il insiste, il fait monotone
Et l'on se détourne de lui.
L'adage a raison : la meilleure
Chose en traînant se dévalue.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.
Celui que l'aura populaire
Avait mis au gouvernail quand
Il fallait sauver la galère
En détresse dans l'ouragan,
Passé péril en la demeure,
Ne fut même pas réélu.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.
Cette adorable créature
Me répétait : "je t'aime tant
Qu'à ta mort, sur ta sépulture,
Je me brûle vive à l'instant !"
A mon décès, l'ordonnateur(e)
Des pompes funèbres lui plut.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.
Ce cabotin naguère illustre,
Et que la foule applaudissait
A tout rompre durant trois lustres,
Nul à présent ne sait qui c'est ;
Aucune lueur ne demeure
De son étoile révolue.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Personne ne l'admire plus.
L'arc-en-ciel qui dure un quart d'heure
Est superflu.