LE GRILLON
Jean Ferrat (France)
Quand l'hiver a pris sa besace
Que tout s'endort et tout se glace
Dans mon jardin abandonné
Quand les jours soudain rapetissent
Que les fantômes envahissent
La solitude des allées
Quand la burle secoue les portes
En balayant les feuilles mortes
Aux quatre coins de la vallée
Un grillon un grillon
Un grillon dans ma cheminée
Un grillon un grillon
Un grillon se met à chanter
Il n'a pourtant dans son assiette
Pas la plus petite herbe verte
La plus fragile graminée
A se mettre sous la luette
Quand le vent souffle la tempête
Et qu'il est l'heure de dîner
Que peut-il bien manger ou boire
A quoi peut-il rêver ou croire
Quel espoir encore l'habiter
Un grillon un grillon
Un grillon dans ma cheminée
Un grillon un grillon
Un grillon se met à chanter
Son cri n'a d'autre raison d'être
Que son refus de disparaître
De cet univers désolé
Pour le meilleur et pour le pire
Il chante comme je respire
Pour ne pas être asphyxié
Sait-il au fond de sa mémoire
Que c'est du coeur de la nuit noire
Qu'on peut voir l'aube se lever
Un grillon un grillon
Un grillon dans ma cheminée
Un grillon un grillon
Un grillon se met à chanter