LES BARBARES
(Bernard Lavilliers, 1976)
Bernard Lavilliers (France)
Les Barbares habitaient dans les angles tranchants
Des cités exilées au large des business
Ils rivaient leurs blousons d'étranges firmaments
Où luisaient la folie, la mort et la jeunesse
La nuit le haut fourneau mijotait ses dollars
La fumée ruisselait sur nos casques rouillés
Dans le vestiaire cradingue, cinq minutes volées
A la fumée, au feu, au bruit, au désespoir
{Refrain:}
Oh mon amour emporte-moi, emporte-moi loin de la zone
Vers des pays chagrins, vers des pays faciles,
Vers des pays dociles
Ils rêvaient de tropiques, des tropiques tropicaux
Pleins d'eau à trente degrés, pleins de forêts sanglantes
Ils rêvaient de corail, d'amour, de sable chaud
Epinal leur fourguait ses images en partance
Le fils du patron venait nous visiter
Au sortir du night-club avec de jolies femmes
Il nous regardait faire, essayait d'estimer
La montée de la courbe, la chaleur de la flamme
{au refrain}
Bourgeois adolescents aux mythes ouvriers
Militants acharnés de ce rêve qui bouge
Qui seraient un beau jour de gauche ou bien rangés
Tricolores et tranquilles, la zone c'était rouge
La noirceur des blousons nous faisait des étés
Sombres comme les fleurs de nos arbres acryliques
Nous déroulions nos chaînes essayant de décrocher
La montée de l'amour, de la paix, de la musique
{au refrain}
Quand le car avalait sa ration de six heures
De mains brulées, de silicoses et de gros rouge
Nous rentrions vidés dans nos cuisines, seuls
Un sourire, un café, la douche, rien ne bouge
La radio tapinait à l'étage inférieur
On dormait dans l'enzyme et dans le cargo
Puis nos têtes plongeaient vers des mondes meilleurs
Nos mamans affairées voyaient baisser le jour
{au refrain}
Les barbares habitaient dans les angles tranchants
Des cités exilées au large des business
Ils rivaient leurs blousons d'étranges firmaments
Où luisaient la folie, la mort et la jeunesse
Oh mon amour emporte-moi, emporte-moi loin de la zone
Vers des pays chagrins, vers des pays faciles, vers des pays dociles