L'ÉTRANGER
(Paroles : R. Malleron / Musique : Juel, Marguerite Monnot)
Edith Piaf (France) - 1934
Il avait un air très doux,
Des yeux rêveurs un peu fous
Aux lueurs étranges.
Comme bien des gars du Nord,
Dans ses cheveux un peu d'or,
Un sourire d'ange.
J'allais passer sans le voir
Mais quand il m'a dit bonsoir
D'une voix chantante,
J'ai compris que, ce soir-là,
Malgré la pluie et le froid,
Je serais contente.
Il avait un regard très doux.
Il venait de je ne sais où.
D'où viens-tu ? Quel est ton nom ?
Le navire est ma maison.
La mer mon village.
Mon nom, nul ne le saura.
Je suis simplement un gars
Ardent à l'ouvrage
Et si j'ai le cœur trop lourd,
Donne-moi donc un peu d'amour,
Espoir de caresses.
Et moi, fille au cœur blasé,
J'ai senti, sous ses baisers,
Une ardente ivresse.
Il avait un regard très doux
Il venait de je ne sais où.
Simplement, sans boniments,
J'aimais mon nouvel amant,
Mon époux d'une heure.
Comme bien des malheureux,
Il croyait lire en mes yeux
La femme qu'on pleure
Et, follement, j'espérais
Qu'au matin, il me dirait
Suis-moi je t'emmène.
J'aurais dit oui, je le sens,
Mais il a fui, me laissant
Rivée à ma chaîne.
Il avait un regard très doux.
Il venait de je ne sais où.
J'ai rêvé de l'étranger
Et, le cœur tout dérangé
Par les cigarettes,
Par l'alcool et le cafard,
Son souvenir chaque soir
M'a tourné la tête
Mais on dit que, près du port,
On a repêché le corps
D'un gars de marine
Qui, par l'amour délaissé,
Ne trouva pour le bercer
Que la mer câline.
Il avait un regard très doux.
Il s'en allait je ne sais où.