MADONES
(Bernard Lavilliers)
Bernard Lavilliers (France)
Sur la ligne exacte, entre clair-obscur,
A l'heure immédiate, du passé futur,
Je marche dans une ville inconnue surveillée par personne.
A cette heure précise souffle le désir.
Ne me dites rien, encore, laissez-le venir.
Je marche dans une ville inconnue surveillée par personne.
Je file la beauté disparue et son pas qui résonne.
J'ai voyagé si loin pour me voir en dedans,
Gagner du temps.
Pourrais-je encore partir sans penser à m'enfuir,
M'anéantir,
Danser avec ma mort sur une place vide
Et donner au plaisir le parfum du suicide.
Alors ne pleurez plus, madones,
Je n'attends pas qu'on me pardonne.
Le soleil éclate entre rouge et noir.
Pour le dernier acte, au bord du trottoir.
Je marche dans une ville inconnue surveillée par personne.
Le soir passé, la nuit tendue, quelque chose déconne.
Cassure immédiate, entre clair-obscur,
Sur la ligne exacte de ma déchirure.
Entre chien et loup, le premier impact.
Ne me dites rien, encore, laissez-les se battre.
Se battre dans une ville inconnue surveillée par personne.
Passé la limite absolue, la police abandonne.
Je suis allé très loin pour me voir en dedans,
Gagner du temps.
Pourrais-je encore partir sans penser à m'enfuir,
M'anéantir,
Danser avec ma mort sur une place vide
Et donner au plaisir le parfum du suicide.
Alors ne pleurez plus, madones,
Je n'attends pas qu'on me pardonne.
Surtout ne pleurez pas, madones.
Je n'attends plus qu'on me pardonne.
Je marche dans une ville inconnue surveillée par personne.
Je lis sur l'asphalte des rues le secret des madones.
Un soir et quelques heures encore à tirer sur l'exil,
Filer la beauté disparue qui ne tient qu'à un fil,
Le dernier soir, la dernière nuit, pour savoir qu'elle existe
Et donner à l'ange déchu le goût du sacrifice.